C’était il y a plus de 25 ans, Pierre Philip et sa femme Maaike étaient venus pique-niquer ici, à côté du Moulin du Foulon, là où coule la Source du Foulon. Il avait repéré l’endroit quand il était venu dans le coin pour son travail. Ils s’étaient dit « On serait bien ici ». Ce genre de pensées furtives qui nous passent par la tête, sans trop y croire vraiment, juste comme ça, parce qu’on se sent bien, parce qu’un lieu nous procure des émotions.
Et puis un jour en 1999, Pierre tombe sur une publication dans le journal Nice-Matin : le Moulin du Foulon et ses 11 000 m2 de terrain alentour sont à vendre. Sans savoir encore que cela allait changer leur vie, ils l’achètent et s’y installent. Ils rénovent le moulin petit à petit, qui est alors une vieille bâtisse qui n’a pas été utilisée depuis longtemps. Ils ont deux enfants qui ont la chance de grandir au milieu de ce paradis de verdure, au pied du massif du Cheiron.
Durant toutes ces années, ils se disent « qu’il y a quelque chose à faire ici ». Mais quoi ? Il y a ce vieux bassin en pierre au bas de la maison, la source du Foulon qui jaillit juste là, et tout ce terrain immense qui ne demande qu’à être mis à profit.
Ce n’est qu’en 2012 que l’idée d’une pisciculture commence à émerger dans la tête de Pierre. Il se renseigne, fait quelques calculs, réfléchit puis se forme au métier. L’aventure démarre pour de bon en 2014 : il crée la Pisciculture du Cheiron. Maaike le suit tout en continuant à travailler en tant que salariée pour une compagnie d’assurance.

Ils en ont fait du chemin depuis, construit de nouveaux bassins et lacs, diversifié leurs produits et leurs activités, amélioré sans cesse leur organisation, leurs méthodes d’élevage et réduit l’impact de leur activité sur l’écosystème environnant.
Leurs poissons d’eau douce sont d’une qualité irréprochable : truite arc-en-ciel, truite fario et omble de fontaine. Puis ils ont commencé à proposer de la truite fumée et enfin de la soupe de poisson en bocal. Ils vendent leurs produits sur les marchés locaux, en boutiques de producteurs et dans le réseau des AMAP locales.


Ils ont diversifié leur activité en ouvrant leur exploitation au public sur les mois d’été (juillet et août) : des parties de pêche récréative sont proposées au bord des deux lacs (300 m2 et 700 m2) dans un cadre arboré avec possibilité de déjeuner sur place le poisson pêché puis grillé, accompagné d’un panier de crudités du jardin ou des maraîchers bio voisins, de fromages locaux, pâtisseries et glaces artisanales (réservations directement sur leur site internet). Le cadre idéal pour passer un bon moment en famille et même pouvoir faire trempette dans les eaux fraîches du Loup qui passe juste à côté.


A la Pisciculture du Cheiron, tout est pensé pour améliorer la qualité et le bien-être des poissons, pour gaspiller le moins possible, pour respecter le vivant et l’environnement. Depuis 3 ans, un maraîcher s’est installé sur une partie des terres. Il propose une partie de ses légumes l’été aux amateurs de pêche venus manger sur place leurs poissons grillés. Il s’occupe également d’une petite basse-cour (oies, canards, poules) qui profite des déchets de restauration et du maraîchage.
Lors du nettoyage des bassins servant à la pisciculture, les impuretés sont conduites vers le dernier et plus grand des deux lacs où elles se déposent lentement sur le fond. Tous les ans, ce lac est vidé et le dépôt raclé puis transporté quelques mètres plus loin sur la zone de maraîchage pour en enrichir les terres. Un cercle vertueux où la diversification des activités agricoles prend tout son sens.

Les parures de poisson sont quant à elles amenées dans un laboratoire de cuisine à Cogolin où elles sont transformées en soupe puis conditionnées en bocaux stérilisés. Il ne leur reste que très peu de déchets. Ils ont presque trouvé le système parfait.
La Pisciculture du Cheiron est certifiée bio depuis le début de son existence en 2014. Pierre ne concevait pas d’exercer son activité autrement que sur une base respectueuse de la nature. Les poissons sont nourris avec une farine bio spéciale à base de céréales, poissons, huile de poisson, nutriments et vitamines. Ils naissent sur place depuis 2016 dans une petite « nursery » et grandissent de bassin en bassin dans de très bonnes conditions. Les eaux du Foulon sont irréprochables. La densité des bassins de Pierre avoisine les 6 kg de poisson par m3 quand le maximum se situe à 25 kg par m3 en Agriculture Biologique. La croissance des truites est contrôlée par leur rationnement, permettant ainsi d’étaler la production et d’obtenir les quantités de poissons désirées arrivées à la taille d’abattage. Les poissons subissent un jeûne de 3 jours avant abattage pour limiter tout risque sanitaire au moment de leur conditionnement. Ils sont vidés et nettoyés sur place dans un petit laboratoire, puis vendus sous vide. Les poissons qui sont fumés grandissent un peu plus et peuvent avoisiner les 3 kg.


Depuis 3 ans, Pierre et Maaike ont complètement cessé l’utilisation de médicaments pour leurs poissons (antibiotiques). Et ils ont également arrêté la désinfection du matériel servant à la pisciculture (en revanche, ils suivent scrupuleusement les règles d’hygiène au laboratoire de transformation du poisson abattu). Depuis, ils ont noté une baisse significative des maladies affectant leurs poissons. En effet, les poissons survivants étant les spécimens les plus robustes, les plus sains et génétiquement les plus résistants aux maladies, au fil des ans la sélection naturelle et la sélection des plus « beaux » spécimens pour la reproduction leur ont permis de parvenir à ce modèle vertueux exempt d’utilisation de produits sanitaires et vétérinaires.

Dernier jalon de leur aventure piscicole : ils attendent le développement des farines bio à base d’insectes pour nourrir leurs poissons. Pour l’instant, l’offre est minime et proposée à des prix trop élevés pour un modèle de pisciculture tel que celui de Pierre et Maaike. Les farines qu’ils utilisent actuellement constituent le meilleur compromis possible et en adéquation avec leur modèle de pisciculture écologique et naturelle. Pierre Philip espère que dans un futur assez proche, il pourra donner à ses poissons des farines bio à base d’insectes qui auront un prix raisonnable. Il aura alors trouvé un modèle d’exploitation agricole exemplaire et durable en tout point.
En attendant, la Pisciculture du Cheiron régale et satisfait déjà depuis de nombreuses années tous les amateurs de poissons d’eau douce au niveau local, soucieux de manger des aliments de qualité produits localement dans le respect de la vie animale et de l’écosystème environnant.

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